Le Léon, le pays Vannetais, le pays de Vitré et plus largement la frange Est de la Bretagne à droite. Du Trégor au pays bigouden, une « ceinture rouge » prenant en écharpe la Bretagne et nettement plus à gauche. La géographie électorale de la Bretagne est bien connue et classiquement d’une stabilité remarquable, sinon étonnante. Il y a plus d’un siècle (1913), on avait les fameux travaux d’André Siegfried. Depuis, on a eu différents ouvrages (voir par exemple l’atlas de Michel Nicolas et de Jean Pihan « 30 ans de scrutin en Bretagne, 1958-1988 ») évoquant cette permanence étonnante des votes alors que les gens bougent, déménagent. Même les plus grands spécialistes de sociologie politique peinent à expliquer cette inertie à nouveau confirmée par les scrutins à la présidentielle. Lors du premier tour des présidentielles, la géographie du vote pour J.-L. Mélenchon a une nouvelle fois été localisée pour l’essentiel dans cette bande courant du Trégor à la Cornouaille. A l’inverse, la géographie du vote pour Les Républicains a recoupé les bastions classiques. Si l’on observe les lieux où ce parti obtient plus de voix qu’en moyenne nationale, on observe une franche de 15 kilomètres sur toute la frontière à l’est de la Bretagne, le Léon, les environs du golfe et certaines zones littorales disposant d’une sociologie singulière : la presqu’île de Crozon, les communes littorales du Goëlo plus légitimistes, la côte d’Emeraude). On dira que rien ne change.
Toutefois, de façon plus récente, une autre géographie apparaît opposant les centres aux périphéries. C’est un autre calque qui, d’une certaine façon, se superpose et complète le précédent. Ainsi, même si la Bretagne reste rétive au FN, ce vote s’est accentué en lointaine couronne (toute la lointaine périphérie de Rennes) et dans les zones les plus reculées, notamment dans le Morbihan intérieur (les records du FN sont à Radenac, Pleugriffet,Bignan, Brignac…), mais aussi sur une ligne située au sud de Lannion et Guingamp, jadis rétive au FN, allant de Trémel, Plounérin ou Plounevez-Moëdec jusqu’à des communes comme Gurunhuel, Pont-Melvez, Senven-Léhart. De fait, ces communes et d’autres apparaissent comme de véritables lignes de « front », cumulant ceux de gauche et de droite. Pour tout dire et même si le second tour fut, bien sûr, moins contrasté, on assiste à l’essor de votes beaucoup plus radicaux ou contestataires qui ont tout simplement lieu dans les espaces les plus oubliés par les pouvoirs dominants. La géographie électorale bretonne n’est donc stable qu’en partie. Il semble apparaître comme un nouveau calque politique de portée davantage sociale et qui semble s’inscrire selon le niveau des revenus (l’opposition armor / argoat, le processus d’exclusion en lointaine couronne périurbaine, le fait que certains territoires ruraux se sentent oubliés par l’aménagement du territoire).
Le Comité de Rédaction