Inventé dans les années 2000 par l’américain Scott Blake, « l’art » du code-barre trouve en Bretagne plusieurs déclinaisons récentes. Sans doute, la forme et les couleurs alternantes du code-barre en noir et blanc aident à cet emploi car elles rappellent le drapeau breton, certains artistes comme le photographe Christophe Charnay lisant d’ailleurs un code-barre breton dans l’alignement des pieux sous les remparts de Saint-Malo…
Initialement, le brevet du code-barre est déposé en 1952 mais son utilisation dans les magasins ne débute qu’en 1973. Or, puisqu’il accélère les tâches en permettant l’identification automatique des données, son usage s’est envolé, que ce soit sous forme linéaire ou depuis 1994 en 2D (les fameux codes Q.R ou le « format « flashcode » qui n’est utilisé qu’en France).
Influencé par le pop art et Andy Warhol, l’américain Scott Blake fut le premier à le détourner pour en faire un symbole de la société de consommation. De multiples artistes envisagent le code-barre telle une grille, le détournent pour en faire un enjeu d’émancipation.
En Bretagne, plusieurs étapes illustrent alors l’utilisation ou le détournement d’un code qui est loin d’être neutre. Certains y voient la création d’un nouveau courant artistique. D’autres stigmatisent « l’art du code-barre » telle une supercherie marchande, une « escroquerie ». Le sujet suscite ponctuellement les passions. En 2011, Erwann Le Morvan semble le premier à détourner ce symbole dans une Bretagne où il existe déjà un goût et un débat sur les représentations décalées (Mam’ Goudig, A l’aise Breizh, etc.).
Après avoir connu quelques succès, son initiative s’effondre. Le problème est qu’elle est « West » et fonctionne sur 4 départements. L’initiative est abattue dans un article retentissant de l’Agence Bretagne Presse : « la Bretagne n’est pas un paquet de nouilles » http://abp.bzh/25619. En s’affichant « West » et en fonctionnant sur quatre départements, « West Côtes » loupe tout simplement sa cible et disparaît.
L’initiative est relayée par de nouvelles représentations fonctionnant ici sur quatre départements, là sur cinq. On s’est alors amusé à recenser ces représentations, comme si c’était une galerie. Ici on aperçoit, un breton 2.0 qui semble vouloir marier l’ère du numérique avec la société marchande. Plus loin, c’est un zèbre qui illustre ponctuellement une griffe « Breizh Attitude » plus large qui a deux magasins à Brest et à Morlaix. Breizh et Zèbre. Le noir et le blanc. Une bonne idée ? Certains disent que la Bretagne dispose de suffisamment de symboles (le drapeau breton, l’hermine, le triskel…) et n’a pas à se fourvoyer dans ce genre de représentation marchande, avec ce code qui est précisément le symbole de notre société chiffrée et mercantile. D’autres à l’inverse achètent ou portent des produits dérivés, les envisagent précisément telles des caricatures de l’univers marchand.
Deux constats semblent apparaître. Au-delà du code-barre, la disparition de « West Côtes » ou la récente caricature de son nom (« West côte de porc ») confirme l’échec d’une stratégie de communication fondée sur un point cardinal illisible. Il a mené à différents fiascos, le plus saisissant étant le dépôt de bilan de l’agence de développement « Ouest Atlantique » qui voulait faire la promotion internationale de la Bretagne en se fondant sur une erreur puisque la Bretagne est à l’est de l’Atlantique et non localisée près de Saint-Pierre et Miquelon. Globalement, on constate d’ailleurs que les entreprises qui utilisent la « marque » ouest, « West » ou « grand » ouest n’ont aucun retentissement international. La contradiction est qu’elles veulent se donner un genre moderne et territorial alors qu’elles s’affichent précisément comme hors-sol (il existe de multiples territoires étant à l’ouest, d’autres comme la Californie sont bien plus connus, chaque territoire est par définition à l’ouest d’un autre, etc.). Résoudre ce paradoxe ne sera pas évident.
Pour en revenir au code-barre, le second point est alors son ambivalence marchande. Affirmer un symbole pour le contourner, le détourner, le critiquer ou tout simplement créer ou s’en amuser est une opération difficile. De même, certains soulignent que mettre un code-barre ou en détourner l’usage ne suffit pas à être un artiste. Mais chacun en pense ce qu’il veut. Certains verront par exemple dans le breton 2.0 un gwenn-ha du-marchand, d’autres un symbole de modernité, chacun finalement y trouvera ce qu’il veut bien y voir et c’est son choix. Le chaland fera aussi l’usage ou renverra ces représentations aux oubliettes. Personnellement, on aime bien la photo décalée de Christophe Charnay, le mariage entre le titre et l’image saisie déclenchant la poésie, l’interprétation moderne, décalée et pour tout dire inattendue de ces célèbres épis et poteaux malouins (aujourd’hui au nombre de 3 000) dont les premiers datent de 1698. Après, on aime ou on n’aime pas. « L’art » et le « commerce » breton du code-barre n’en sont sans doute qu’à leurs prémices. On constate en tout cas que son usage est nettement supérieur certainement en raison du drapeau breton (les couleurs, l’alternance des bandes…) et n’existe tout simplement pas dans d’autres pays. A l’inverse, en dehors d’une vidéo qui a fait le buzz sur Youtube avec un agriculteur breton ayant dessiné des QR codes sur ses vaches https://www.youtube.com/watch?v=3QgFAWFFZqA (en réalité c’était un fake), on n’a pas pour lors trouvé d’utilisation décalée des flash codes mais cela existe peut-être. Pour le meilleur ou pour le pire ? A chacun de juger
Le Comité de Rédaction