une réponse à Bruno Hug de Larauze, président de la CRCI des Pays de Loire
Dans un ITW donnée à Ouest France le 26 septembre 2014, le président de la Chambre de Commerce des Pays de la Loire rappelait l’opposition de cette chambre à une division de l’actuel territoire des Pays de la Loire. Bruno Hug de Larauze verse au débat plusieurs arguments qui méritent réflexion, venant d’un homme réputé intègre et d’un chef d’entreprise écouté.
La première objection consiste à rappeler que l’on ne change pas une équipe qui gagne. « Quel besoin a-t-on de casser une dynamique de réussite ? La Bretagne et les Pays de la Loire sont en tête pour la démographie et les résultats économiques ».
La seconde, très proche, s’inquiète légitimement du sort réservé aux autres départements : « que va-t-on dire aux populations des autres départements avec qui on a construit des liens efficaces ». « Diviser, couper, relève du comportement égoïste ».
Et de plaider pour la création d’une chambre de commerce et d’industrie commune à la Bretagne et aux Pays de la Loire. « Il existe 379 projets menés entre les deux régions », et seulement « 116 avec la basse Normandie, 118 avec le Centre, 127 avec Poitou-Charentes ». C’est dire l’attraction naturelle de Nantes pour la Bretagne, sommes-nous tentés de commenter. Mais à l’appui de son observation, Bruno Hug de Larauze rappelle les rapprochements universitaires en cours, les liens entre les groupes laitiers sur les deux régions, les perspectives communes sur les énergies marines renouvelables, les engagements partagés sur la Ligne ferroviaire à grande vitesse et l’aéroport Notre-Dame-des-Landes.
« On travaille mieux et on échange dans le cadre d’une organisation commune. La séparation distend ». Difficile de ne pas lui donner raison: c’est pour cela même que la Bretagne demande sa réunification.
En réfléchissant sans passion aux arguments développés par Bruno Hug de Larauze, une sortie intelligente du statu quo semble pouvoir se dessiner. Oui, il faut préserver et développer la dynamique qui existe en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Oui, il faut éviter de sacrifier une région à l’autre par égoïsme. Oui, les populations de tous les départements doivent trouver leur compte dans un nouveau projet. Oui des liens forts existent entre Nantes et la Vendée, entre Rennes et la Mayenne, entre la Bretagne et les Pays de la Loire.
Toutes ces affirmations sont-elles conciliables avec le projet d’une Bretagne réunifiée. Oui, nous semble-t-il, en acceptant d’élargir un peu la perspective, tant sur le plan historique que géographique.
Sur le plan historique d’abord, nous demandons à Bruno Hug de Larauze d’entendre que les arguments qu’il oppose aujourd’hui au découpage des Pays de la Loire sont aussi ceux que les Bretons opposent au découpage de la Bretagne en 1941 (confirmé depuis 1975 avec la mise en place des Etablissements publics régionaux puis des Régions). Certes, soixante-treize ans ont passés, mais 1200 ans d’histoire partagée ne s’effacent pas par un décret. L’humaniste qu’il est s’en réjouira probablement. Les beaux arbres ont de belles racines. Les sondages répétés en attestent et cela bien que la population de Nantes, en particulier celle des cadres dirigeants, soit brassée par nature, comme celle de toutes les grandes villes. Jamais la population des Pays de la Loire ne s’est mobilisée sur la question territoriale alors même que les Bretons des cinq départements multiplient les appels. Trois manifestations en six mois et 30 000 personnes dans la rue, c’est une réalité avec laquelle il faut composer, sauf à compter la démocratie pour quantité négligeable.
Sur le plan géographique ensuite. L’élargissement de la perspective fait tomber les craintes exprimées par Bruno Hug de Larauze. La Bretagne réunie s’inscrit dans un projet de remodelage du Grand-Ouest autour de quatre régions fortes et cohérentes de réputation internationale : la Normandie réunie, la Bretagne réunie, le Val de Loire et le Poitou-Charentes. Il n’est donc pas question de repli ni d’enfermement, pas plus que de « frontières » présumées étanches.
Sans doute est-il souhaitable d’abandonner ce terme de « découpage », qui induit une vision mosaïque du territoire, pour lui préférer celui de recomposition, qui plaide pour une vision plus organique des relations interrégionales. En d’autres termes, il ne s’agit pas de passer par pertes et profits les projets qui relient les régions, les pays, les villes, les entreprises, mais de les redistribuer sur la base de régions dont la cohérence sociale, culturelle et économique aura été optimisée.
Incontestablement, comme le souligne Bruno Hug de Larauze, La filière laitière concerne les Pays de Loire et la Bretagne. Mais elle intègre tout aussi indubitablement la Normandie et le Poitou-Charentes pour des raisons pédoclimatiques. Sur le dossier laitier, c’est une coopération entre les quatre régions du grand-ouest recomposé qu’il faut construire. Il existe un grand-ouest agroalimentaire, le pôle de compétitivité Valorial en est la preuve. Sans doute faut-il organiser sur ce grand dossier une conférence permanente interrégionale rassemblant les quatre régions. En revanche, s’agissant des énergies marines renouvelables ou de la pêche, la région Val de Loire est évidemment moins concernée, de même que ni la Normandie, ni le Val de Loire ne sont impliquées dans le développement du complexe portuaire Nantes-Saint-Nazaire. La Normandie n’est pas davantage associée au projet Notre-Dame-des-Landes. Le pôle Image et réseau, quand on observe la réalité des opérations conduites, concerne à 90% la Bretagne à cinq départements. Enfin, sur un tout autre plan, la promotion de l’image internationale, si importante dans la compétition des territoires, et le développement du tourisme, concernent d’abord chacune des quatre régions prises indépendamment. Quant au dynamisme culturel breton, n’est-il pas souhaitable d’en confier l’entretien aux bretons eux-mêmes.
De ces exemples il ressort deux observations simples :
1) les quatre régions du Grand-ouest ont beaucoup de projets en commun, mais les régions concernées ne sont pas à chaque fois les même, sauf pour l’agroalimentaire, et en particulier la filière laitière, qui englobe les quatre régions.
2) la maille élémentaire optimale, la zone du « nous » spontané qui définit la légitimité de chaque territoire, est bien conforme à la recomposition en quatre régions distinctes et cohérentes : Bretagne réunie, Normandie réunie, Val de Loire et Poitou-Charentes.
C’est sur cette combinaison à géométrie variable, alliant l’autonomie et la coopération, que nous proposons de sortir du statu quo dans lequel les blocages politiques nous ont provisoirement enfermés. C’est un projet fort, dans lequel tout le monde est gagnant. Après la disparition annoncée des départements, il concilie dimension et proximité. C’est sur ces bases que nous proposons de prendre langue avec Bruno Hug de Larauze.