Dossier 1. L’unité bretonne : les cinq doigts de la main
Le dossier 1 de construirelabretagne.bzh traite de la réunification de la Bretagne. La démocratie aura été la première victime du redécoupage des régions. Et l’on sait comment réagissent les électeurs trop longtemps méprisés. Oubliée, La carte Balladur qui fut pourtant le fruit d’une longue élaboration concertée. L’unification de la Bretagne reste un objectif majeur de cohérence et de vitalité, dans un ensemble de trois régions fortes, bien identifiées et ouvertes aux coopérations : la Normandie, le Val de Loire et la Bretagne. Nul besoin d’attendre une bénédiction administrative pour avancer. Pour se faire, la Région ne pourrait-elle pas soutenir prioritairement et sélectivement les projets qui contribuent à renforcer B5 et se donner pour objectif d’organiser sans tarder un référendum sur les 4 départements de la Bretagne administrée tout en incitant le CD du 44 à faire de même ?
L’INTÉRÊT SUPÉRIEUR DE LA BRETAGNE
DOSSIER 1. L’unité bretonne. La réunification.
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Le paramétrage d’une région (sur quel territoire j’agis) est bien sûr la première question fondamentale qui se pose à tout élu. Quelles sont les spécificités de mon territoire ? Comment y ancrer des stratégies qui vont valoriser ces singularités et du coup le démarquer, le placer en pole position pour créer une économie innovante écrite avec le potentiel régional ? Si le pouvoir politique anime le formidable potentiel régional, la Bretagne sera en pointe. S’il opère des stratégies hors-sol, la région n’a strictement aucune chance.
Diagnostic
De fait, le bon maillage de l’univers Bretagne est pour le moins déterminant. Or, il est une coupure que nous n’accepterons jamais pour de multiples raisons démocratiques, juridiques, économiques, historiques, de rayonnement, de réalité constitutive, culturelles, de sentiment d’appartenance de la population. Pour toutes ces raisons et d’autres, la Bretagne 5 sur 5 c’est simplement une évidence.
En 2015, ce constat d’une Bretagne administrée différente de la Bretagne est un scandale indigne d’une démocratie contemporaine. Certes, dans le contexte de réforme territoriale, la Bretagne est passée tout près de recouvrer son unité. La carte du Comité Balladur issue de multiples rencontres d’experts préconisait l’unité bretonne. Le 2 juin 2014, date décisive du nouveau découpage régional, la Bretagne est réunie, selon Ouest-France, jusqu’à 17h30. L’intervention expresse de J.-M. Ayrault conduit à un second communiqué à 18h30 où elle est cette fois fusionnée avec les Pays-de-la-Loire. Une nouvelle intervention in-extremis de Jean-Yves Le Drian assure à 19h30 l’ultime communiqué qui mène à la carte actuelle et au statu quo du format des régions Bretagne et Pays de la Loire.
Il y aurait beaucoup à dire sur ces péripéties loufoques réalisées au dernier moment et sur un coin de table. Des choix si importants réalisés dans la précipitation et sans aucune consultation de la société laissent songeur sur l’état de déliquescence en France de ce que l’on appelle « la démocratie ».
Pourtant, Jean-Yves Le Drian s’était dans son programme régional engagé à résoudre ce problème et la présence de ministres socialistes bretons à des postes clés (Marylise Lebranchu pour la réforme territoriale) offrait une fenêtre de tir inespérée. De même, la mobilisation de l’ensemble de la société bretonne n’avait jamais été aussi forte qu’en cette année 2014 (le monde juridique, les acteurs économiques, les intellectuels et universitaires, la présence de plus de 30 000 personnes lors de la manifestation à Nantes du 27 septembre 2014…). Il y avait donc la place pour effacer ce « mur de la honte » en date de 1941. Il y avait la possibilité pour passer. Le résultat en septembre 2015 est donc celui d’un échec cinglant. Alors qu’avec une poignée de manifestants, la Normandie voisine retrouve son intégrité, une Bretagne inchangée, à l’origine pourtant de ce grand mouvement de régionalisation, se retrouve une des seules pénalisées. Elle est de manière relative pénalisée et le dindon de la farce d’une réforme qu’elle a pourtant provoquée. N’oublions pas que c’est le mouvement des « Bonnets rouges » qui a initié ces velléités de réformes et même de « révolution régionale » (sic) annoncées par le Président de la République le 2 juin 2014 !
Trois éléments doivent alors compléter ce bilan et diagnostic :
Concernant l’attitude du PS, le bilan est objectivement très mauvais même si l’action de J.-Y. Le Drian a sans doute évité la catastrophe et la dilution définitive de la Bretagne dans un « grand » ouest illisible. De même, le Président de région P. Massiot a pris des positions remarquables et rédigé le 28 mai 2014 une tribune exceptionnelle en faveur de l’unité bretonne « Lettre à la Bretagne », http://www.construirelabretagne.org/public/lettre-a-la-bretagne-massiot/). Toutefois, au-delà de cette prise de position limpide, il aurait pu et dû aller plus loin en allant dans la bagarre, en mettant par exemple en jeu sa démission ou celle de tout le Conseil régional. Ecrire c’est bien. Agir c’est mieux. De même, on n’a -pour le moins- pas du tout compris ni apprécié une tribune intitulée « Deux régions, une même ambition » rédigée le 28 juin 2014 par Jean-Yves Le Drian dans Ouest-France en compagnie de Stéphane Le Foll (http://www.ouest-france.fr/point-de-vue-deux-regions-une-meme-ambition-pour-le-drian-et-le-foll-2653118). Cet écrit signé ne peut pas être oublié et démontre comment des convictions pourtant très intimes peuvent être balayées par des raisons politiciennes que l’on ignore. Pourtant, c’est aussi Jean-Yves Le Drian qui au dernier moment a permis d’éviter le spectre de la fusion et donc de la disparition définitive de la Bretagne. Comme toujours, le bilan n’est donc pas simple. D’un côté, alors qu’il existait une formidable opportunité, on constate un échec évident et un déni des engagements formels exprimés pourtant dans le programme électoral breton du PS au début de la mandature. De l’autre, on constate le maintien du mot Bretagne, même si cette dernière reste amputée. Pendant ce temps, il faut noter que les prises de position des candidats Marc Le Fur et Christian Troadec, ainsi que d’autres acteurs politiques (Paul Molac, François de Rugy…) sont restées limpides et constantes. Mais, si le gouvernement eût été de droite, un représentant de l’UMP aurait-il eu la capacité de contrer les forces jacobines sans doute encore plus présentes à droite qu’à gauche ? D’un côté, la carte du Comité Balladur était une forme de blanc-seing. Mais de l’autre, on connaît à droite la puissance et le poids des forces conservatrices.
Aujourd’hui, l’ensemble de ces aléas n’empêche pas la Bretagne d’exister, vaille que vaille. La Bretagne reste unie et c’est le droit. La Cour d’appel de Rennes s’exerce sur 5 départements. Les notaires, juges, avocats, commissaires aux comptes, experts-comptables… fonctionnent sur l’ensemble de la Bretagne. Le droit est breton, c’est un fait. Et même la Révolution française n’avait songé attaquer cette réalité qui offre un bon aperçu du pouvoir que pourrait avoir une Bretagne unie. Ainsi, la présidence du Conseil national de l’ordre des Notaires revient comme aujourd’hui tous les 5 ou 6 ans à un notaire breton. De même, avec 362 entreprises représentant 100 000 emplois, l’association Produit en Bretagne est bien sûr présente sur l’ensemble de la Bretagne et connaît une forte progression en Loire-Atlantique (plus de 40 entreprises adhérentes). La majorité des grandes enseignes commerciales de la Loire-Atlantique (Auchan, Leclerc etc.) participe à cette dynamique puisque les consommateurs veulent ces produits et que les distributeurs veulent les vendre. Les activités du pôle de compétitivité mondiale Images et réseaux s’exercent à 95 % sur les cinq départements bretons. Après deux ans et demi de débat, les professionnels du tourisme de Loire-Atlantique viennent de souscrire à une appellation « Bretagne Plein Sud » puisqu’ils constatent que l’appellation « Pays-de-la-Loire » est illisible. Sur la base des marques de l’INPI, on dénombre plus de 1 500 entreprises faisant le choix d’une appellation Bretagne ou Breizh contre … 74 sociétés choisissant ou s’accolant au terme « Pays de Loire » ou « Pays de la Loire ». Malgré la propagande ligérienne, des enquêtes démontrent aussi que le sentiment d’appartenance des jeunes habitants « du 44 » à la Bretagne se renforcent, notamment à partir du lycée.
A l’aube de ces élections régionales, on est dans une situation où la Bretagne existe et n’existe pas. D’un côté, elle existe de manière immémoriale et sa réalité est même renforcée sur différents sujets (au plan économique, culturel, de la revendication avec de multiples initiatives comme Dibab ou Breizh 5/5…). Cette réalité s’affiche parfois avec l’aide très claire du Conseil régional : le Tour de Bretagne à la voile ou cycliste, la « Gouel Breizh », la présence de structures comme l’E.P.C.C Livres et Cultures ou « Bretagne Culture Diversité » qui fonctionnent bien sûr à l’échelle des cinq départements. De même, plus personne ne conteste aujourd’hui l’appartenance historique ou culturelle de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Le département de Loire-Atlantique et même la région des « Pays-de-la-Loire » ont reconnu cet état de fait et soutiennent la vitalité et réalité culturelle de ce département. Ils financent par exemple « l’Agence Culturelle Bretonne » (A.C.B) du 44 qui, il est vrai, réalise un travail remarquable. La bataille historique et culturelle semble donc gagnée. Le drapeau breton est flanqué sur l’hôtel du département de Loire-Atlantique et « il sera plus difficile de l’enlever que de le mettre » (P. Mareschal). Aujourd’hui, cette réalité constitutive de la Bretagne avance surtout grâce à la société civile. Pour de simples raisons de performances, le monde économique et touristique met le dispositif en place. Des militants à aider sont actuellement en train de promouvoir une revendication lisible et répétée d’une Bretagne fonctionnant cinq sur cinq. Le fait peut précéder le droit. A noter aussi l’importance cruciale de la création d’une « Bretagne numérique » qui est en train de déborder la Bretagne administrée. Ces initiatives ont parfois été très clairement soutenues par la Région (le .bzh). Elles se créent aussi spontanément à l’échelle de la Bretagne pour des raisons de pertinences culturelle et économique (le moteur de recherche breton Gwenood par exemple, les systèmes de financement participatifs de type Kengo ou Gwenneg).
Quel programme ?
Du coup, à l’aube des élections, cet enjeu de l’unité bretonne est plus important que jamais. Le défi et la question centrale est de mettre en place une adéquation entre une Bretagne « administrée » et la Bretagne réelle. Quel parti va nous faire les propositions les plus séduisantes sur le sujet ?
Comme idées d’actions, nous suggérons au futur Conseil régional 6 points :
- Le refus total et systématique de financer toute action qui s’exercerait à l’échelle du Grand Ouest puisque les maigres deniers régionaux n’ont pas pour fonction d’aller soutenir des projets qui concernent Le Mans (l’actuelle ligne LGV) ou Cholet. De manière évidente, l’équipe élue doit s’engager à ne soutenir que des projets qui concernent l’intégralité de notre territoire. Il y a suffisamment d’argent à Paris et la liste à élire s’engagera à ne pas dépenser un seul Euro pour des projets externes et hors-sol. Bien sûr, cette proposition n’empêche en rien les nécessaires et indispensables partenariats. Toutefois, ces derniers, éventuellement financiers, devront stipuler qu’un Euro investi dans le projet sera un Euro investi pour la Bretagne. On s’est fait parfois berner par des financements bretons qui bénéficient au final à d’autres territoires. L’autonomie budgétaire et la pertinence économique et budgétaire bretonne doivent devenir le point d’orgue des investissements.
- Des actions concrètes ou « soumises à condition » avant de participer à toute manifestation « nationale » concernant la technostructure B4. Paris veut faire sans nous ? Nous ferons sans eux. La Bretagne ne peut pas accepter d’être représentée et de siéger dans des institutions qui la nient. Ainsi, le prochain Conseil régional peut a minima exiger une légitimité et des droits en échanges de sa présence et participation à l’Association des Régions de France (A.R.F), au Conseil Economique et Social de France, etc. Une ligne « dure » est ici possible, notamment lorsque les coûts de participation dépassent le retour sur investissement. On fait actuellement comme si les Bretons devaient « obligatoirement » participer à des structures nationales qui nous dénigrent. Fonctionnons autrement. Pesons pour affirmer cette détermination. A l’inverse, dès qu’un signe, même modeste, de reconnaissance sera opéré, il faudra s’engouffrer dans ces portes pour « avalancher » les bonnes décisions et soutenir les avancées, même si elles apparaissent initialement modestes.
- La nouvelle équipe renforcera les réalités bretonnes déjà présentes sur l’ensemble des départements (le soutien à Diwan, la promotion des épreuves sportives d’ores-et-déjà financées à l’échelle de la Bretagne, l’aide privilégiée aux événements et nombreuses structures culturelles fonctionnant sur les cinq départements (elles concernent le livre, la culture, la danse, les dynamiques environnementales etc.). A l’inverse, les aides aux structures « B4 » seront infléchies ou conditionnées au fait que ces entités élargissent d’une façon ou d’une autre leur périmètre de rayonnement. Il est aujourd’hui inconcevable de financer des organisations qui reproduisent en Bretagne des découpages français, alors que la région elle-même s’est levée pour un autre paramétrage. Il ne s’agira évidemment pas de créer une « chasse aux sorcières » mais tout simplement de valoriser ceux qui construisent la Bretagne sur le terrain. Ces réalités concerneront tout particulièrement le monde associatif.
- La nouvelle équipe s’engagera bien plus qu’aujourd’hui à soutenir l’ensemble des initiatives B.5 portées par la société civile. Au lieu d’être débordée comme aujourd’hui avant parfois d’agir, le nouveau Conseil régional sera au contraire le premier catalyseur de toutes les initiatives B.5. Il actionnera dans le domaine du tourisme, de l’économie, de la culture, de l’économie sociale et solidaire, de la solidarité internationale, de la logistique… les projets écrits en correspondance avec l’identité et la réalité du pays.
- Le prochain Conseil régional mettra en place des initiatives concrètes créant la Bretagne cinq sur cinq. En 2015, il n’existe même pas sur les ondes une seule radio bretonne fonctionnant 5 sur 5 et diffusant des programmes bilingues, assurant la promotion d’un patrimoine exceptionnel, des artistes et musiciens bretons, relayant des informations stratégiques pour promouvoir « la matière de Bretagne », permettant ainsi aux hommes présents sur ce bout de terre de mieux comprendre leur territoire afin d’en assurer la valorisation. Dans tous les domaines, le fait doit précéder le droit et la Bretagne se construira moins par des discours théoriques (même si bien sûr le lobbying politique doit se poursuivre au plus haut niveau) que par des réalisations concrètes entraînant une unité de fait.
- Le prochain Conseil régional s’engagera à organiser un référendum sur ses quatre départements en reprenant par exemple les deux questions formulées par Dibab lors de ses votations citoyennes (la réunification de la Bretagne, la création éventuelle d’une Assemblée de Bretagne). Il tentera au maximum de faire en sorte que cette question soit aussi posée en Loire-Atlantique pour faire fonctionner la démocratie.
En conclusion de ce premier dossier, nous insistons sur le fait que l’absence de cohérence bretonne est un élément majeur de sa faiblesse. Par exemple, le financement des universités du « grand ouest » a achoppé et fait perdre 16,5 millions d’Euros à la Bretagne car le projet a été jugé par le jury international « non lisible », quand bien même la qualité de la recherche était jugée remarquable. Il nous faut une stratégie bretonne pertinente sur un périmètre breton pertinent. C’est tout simple. Cela coule de source. Aux candidats de souscrire ou non à ce premier dossier et à ces premières propositions.
Le Comité de Rédaction
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