Une société du lien : moins de cheminées, plus de passerelles.
Le dossier 7 de construirelabretagne.bzh est consacré à la fécondité du lien social en Bretagne et au potentiel de développement qu’il porte en germe. Tous les indicateurs placent la Bretagne en pole position sur la solidité du lien social.
Mais de cette richesse, nous ne captons pas le meilleur. Trop d’idées reçues donnent encore à penser que solidarité et économie se regardent en chiens de faïence. La réalité démontre au contraire qu’elles se combinent, et en Bretagne plus et mieux qu’ailleurs. Tirons-en les enseignements. Plutôt que d’organiser les services de la Région en silo : culture, économie, agriculture, tourisme, mer… n’est-il pas préférable d’animer les transversalités qui les relient et dynamisent. Comment faire ? Le dossier 7 ouvre ici un champ d’expérimentation qui pourrait faire école.
DOSSIER 7. Une société du lien.
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A une époque où l’on évoque sans cesse la « société de défiance », la Bretagne reste une terre dans laquelle les liens sociaux restent forts. Certes, il ne s’agit pas d’idéaliser une situation par nature contrastée, avec de surcroît comme ailleurs la progression de différentes violences ou incivilités (la progression des cambriolages par exemple). Toutefois, la région s’individualise nettement au plan statistique par une collection d’indicateurs qui démontrent ici le maintien d’un lien social fort, la présence de différents comportements vertueux ou civiques, une présence supérieure d’un tissu de solidarité. Lorsqu’on les analyse de façon superficielle, les compétences régionales peuvent sembler loin de ces réalités. Or, il n’en est rien. La bannière Bretagne est déjà associée à l’animation de l’économie sociale et solidaire (la C.R.E.S) par exemple. La région peut plus largement incarner le primat du « vivre-ensemble », en activant et relayant les singularités d’une culture et d’un peuple.
Diagnostic
Les Bretons sont en France en tête pour de nombreux indicateurs qui démontrent globalement leur esprit civique et le maintien d’un tissu de solidarité. Sur le plan individuel, c’est la région de France où l’on compte le plus de bénévoles. Elle est nettement en tête pour le tri sélectif des déchets, vote mieux, fraude moins.
On y constate une participation électorale supérieure, la présence, malgré des évolutions, de votes modérés, nettement moins de surpassements d’honoraires de la part des médecins, moins d’absentéisme ou de vols sur les chantiers qu’ailleurs, etc. De façon collective, la Bretagne est aussi première pour l’économie sociale et solidaire (13,5 % des emplois contre 9 % en France), première pour le tissu associatif, elle est incontestablement une terre de « réseaux » avec parfois des originalités et sur-représentations indéniables (les groupements d’employeurs, le réseau PLATO, la présence de réseaux comme Produit en Bretagne qui marchent difficilement ailleurs…).
A noter qu’elle est aussi en tête, en France, pour le nombre des associations de solidarités internationales (A.S.I)… Ainsi, la réalité du « vivre ensemble » reste, en Bretagne, forte. Malgré la présence d’un habitat plus dispersé, elle est avant-dernière en France pour le nombre des cambriolages. On pourrait multiplier ces indicateurs statistiques qui démontrent que le lien social est ici plus vivace qu’ailleurs (l’importance supérieure des jumelages, la forte présence des A.M.A.P, etc.). Comment faire de ce terreau un terrain régional d’affirmation ? Plus fondamentalement même, une ligne directrice pour être en pointe sur les dynamiques associant l’enjeu territorial aux relations sociales ?
Quel programme ?
Bien sûr, la Région n’est a priori pas leader sur ces compétences sociales et solidaires qui concernent davantage le Département. Toutefois, elle n’est pas non plus étrangère à ces dynamiques (on a parlé de la C.R.E.S) et doit surtout incarner cette possibilité d’un « vivre ensemble ». De manière parfois étonnante, la Bretagne reste plus qu’ailleurs une terre de débats, parfois d’oppositions car les gens sont attachés à leurs pays, plus souvent de solidarités. Il faut en cesser avec ces représentations qui considèrent que l’économie sociale et solidaire est archaïque ou peu rentable. Aujourd’hui, les sociétés qui créent le plus d’emplois en France sont les S.C.O.P ou les S.C.I.C. Alors qu’un univers libéral nous a fait croire que l’économie devait forcément jouer contre les solidarités, on découvre que l’économie de la collaboration est celle de la compétitivité. Il existe donc en Bretagne un potentiel pour animer ces relations porteuses autour de 4 axes qui semblent se dessiner.
- Tout d’abord, le Conseil régional se battra au maximum pour faire en sorte que le civisme d’ensemble des Bretons apporte des retombées budgétaires. Il est inacceptable aujourd’hui que sur différents sujets (impôts, santé…) les Bretons soient pénalisés de manière relative. Ils cotisent de manière égale à d’autres régions pour combler différents manquements alors que leur comportement est plus honnête. Comme l’évoque l’ouvrage « Le nouveau défi armoricain », une régionalisation accrue des budgets aurait des conséquences financières positives. Elle encouragerait les « bonnes pratiques » régionales et pénaliserait logiquement ceux qui ne jouent pas le jeu. La justice et l’équité de traitement doivent l’emporter sur une pseudo indivisibilité qui pénalise les comportements civiques.
- Ensuite, le Conseil régional valorisera les structures existantes qui, preuves à l’appui, démontrent que la solidarité et l’économie sont tout sauf des actes incompatibles. La C.R.E.S unit des banques, des Coop et des associations. Produit en Bretagne réunit des producteurs, des sociétés de services, les consommateurs, les distributeurs, des initiatives citoyennes (La Vallée des Saints par exemple)… Appuyer davantage ce mariage entre rayonnement économique et solidarité est un élément important pour cesser de fonctionner en silo, animer les transversalités.
- Dans ce cadre, l’organigramme des services de la région Bretagne, malgré des intitulés changeants, fonctionne depuis sa création en 1982 avec des approches hermétiques (ici l’économie, là l’environnement, plus loin la relation au citoyen, ailleurs le tourisme, ou encore la mer…). De nouvelles appellations impulseront une stratégie plus partagée et par là-même des actions plus transversales. La valorisation environnementale aide ainsi à l’économie, la culture au tourisme, les solidarités bretonnes participent au rayonnement économique. Cette réalité statistique doit être davantage affichée pour assurer la promotion régionale. La région Bretagne pourrait être ainsi la première à porter un souffle changeant ces représentations classiques, éculées et pourtant présentes dans toutes les collectivités (les silos des différents ministères, les services des Conseils départementaux…). Chacun sait que l’on entre dans un nouvel univers et ces cheminées ne permettent pas d’animer le futur. Par exemple, les actions de solidarités ou les différents partenariats en Europe et dans le monde sont aujourd’hui totalement dissociés des actions de promotion économique de la Bretagne à l’international ! Or, l’innovation naît d’actions croisées et non du maintien de clivages dépassés. La refonte dans l’organigramme de l’ensemble des thématiques (ex : la culture, la mer, le numérique, le transport…) pourra systématiser les trois banderoles économiques, écologiques et sociales pour plus de transversalité (ex : transport et économie, transport et écologie, transport et société, etc.).
- Cette impulsion neuve se concrétisera ainsi par des approches renouvelées (la solidarité c’est aussi de l’économie, le civisme c’est aussi de l’écologie, le transport c’est aussi de l’action sociale…). De manière souple, elle permettra aux acteurs territoriaux de se parler, de se rencontrer, de mutualiser et renouveler leurs actions avec un souffle neuf. On parlait de la Vallée des Saints ou de Produit en Bretagne. C’est lorsque l’on transcende des pseudo-concurrences (le monde de l’art et l’économie, le producteur et le consommateur, la recherche et l’action sociale…) que les progrès se réalisent et donnent naissance à des sociétés plus cohérentes et avançant ensemble.
Au final, l’organisation actuelle tend à attiser les conflits (d’un côté l’économie et de l’autre l’action sociale, d’un côté l’écologie et ailleurs l’essor économique !). Ces découpages obsolètes sont très pénalisants pour avancer de manière coordonnée. Ces cheminées entrent surtout en contradiction flagrante avec les réalités statistiques bretonnes. Dans cette région, la solidarité est économique et l’économie est plus solidaire. Le civisme aide à l’action sociale, à l’écologie et bien sûr à l’économie (moindre absentéisme, etc.). Cette approche, à notre sens totalement inédite en France, favoriserait la gouvernance régionale et l’originalité bretonne. En restreignant les conflits, elle renforcerait la cohérence d’un territoire, ses performances, en animant une société de liens.
Le Comité de Rédaction
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