Interviewé par le magazine Bretons de janvier 2015 (n°105), l’ancien Président du Conseil général de Loire-Atlantique, prend du recul et offre un entretien tout à fait intéressant sur les enjeux de l’unité bretonne. Certes, on nuance sa prise de position sur le fait qu’avant les années 1970, les enjeux de la réunification étaient quasiment « absents des débats ».
En effet, le Comité d’Etudes et de Liaisons des Intérêts Bretons a très souvent fonctionné avec la Loire-Atlantique et cette unité a par exemple permis l’obtention des voies express gratuites sur les cinq départements (on compte par contre aujourd’hui en Loire-Atlantique deux tronçons payants !). De même, dans les années 1960, la Commission Parlementaire du C.E.L.IB unissait la totalité des députés et sénateurs des cinq départements bretons et jouait de fait un rôle considérable à Paris. Cela dit, Patrick Mareschal rappelle avec justesse le réveil culturel dans les années 1970 (les Tri Yann par exemple), la première manifestation d’envergure à Saint-Nazaire en 1973 (3000 personnes). Il souligne surtout les acquis progressifs d’une réalité qui, malgré tous les obstacles, s’inscrit peu à peu dans les paysages (création de l’école Diwan de Nantes et installations des panneaux bilingues aux portes de Nantes en 1978). Bien sûr, les Pays de la Loire ont souvent freiné l’élan breton. On apprend que des convaincus ayant un dossier à la région n’affirment pas leurs convictions bretonnes de peur « de se faire saquer ». L’auteur, qui connaît quelque peu le sujet (il a présidé le département de 2004 à 2011), n’hésite pas d’ailleurs à parler de « révisionnisme » ligérien en évoquant des textes « où le mot Bretagne était systématiquement rayé ». Il constate malgré tout des évolutions puisque les entreprises mesurent peu à peu « en termes de marketing, en termes d’images, que l’appartenance à la Bretagne est valorisante ». Et de citer Pornic ou la Baule qui surfent sur l’image « Bretagne Sud ». Plus largement, les sociétés évoquaient selon lui l’appartenance bretonne de façon « mineure ». Or, « ce qui a beaucoup changé, c’est que cette considération, dans le débat public, est devenue crédible. Y compris dans les milieux économiques qui commencent à comprendre que l’appartenance à un territoire est une valeur et une force sur le plan économique » (p. 48). Pour lui, « on est ainsi passé du culturel au sociétal et à l’économie ».
L’analyse est riche d’enseignement. Sur le temps court, l’actuelle « réforme » et la négation de l’identité bretonne ont été durement ressenties. Toutefois, en prenant du recul, les choses avancent et l’histoire tient à peu de chose. Patrick Mareschal a lors de sa présidence fait flotter un drapeau breton sur l’hôtel du département qui « sera beaucoup plus difficile à enlever que cela n’a été à le mettre ». Il fait voter en 2001 (à l’unanimité moins 4 voix) un vœu sur l’appartenance de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Il eut été président en 2014, les choses auraient sans doute été différentes. Cela dit, il démontre que la « bataille de l’opinion » est loin d’être terminée. D’autres décideurs peuvent être élus. L’extension des dynamiques culturelles (qui existent toujours par exemple avec l’agence culturelle bretonne du 44), aux dynamiques sociales et économiques interrogent. Quelle stratégie mettre en place pour gagner définitivement la bataille ? Malgré l’autisme du pouvoir central, ces volontés peuvent un jour se nouer pour obtenir ou tout simplement affirmer l’unité régionale.
Le Comité de Rédaction.