RÉFORME TERRITORIALE
Pour une action publique et collective plus efficace : Une Région Bretagne à cinq départements
1 – Une occasion historique pour donner à nos régions plus de cohérence et de pouvoir et pour mettre en place un aménagement du territoire équilibré et solidaire.
A. La réforme territoriale, l’occasion d’affirmer des territoires d’action cohérents
Candidat, François Hollande exprimait dans son engagement 54, sa volonté à travers la réforme territoriale de clarifier les compétences et d’accorder plus d’autonomie fiscale aux collectivités locales. Aujourd’hui Président, il lance avec son Gouvernement cette réforme et veut redonner des moyens d’action et d’initiative aux collectivités territoriales. Comme cela est souvent répété, les régions françaises disposent de budgets sous dimensionnés et de trop faibles capacités d’actions économiques et règlementaires, par rapport à leurs voisines européennes. Des avancées sont en cours, mais elles sont encore timides à l’image des politiques de mise en place des filières, de la politique de l’innovation ou de l’attribution à la Région d’une partie de la gestion des fonds européens (FEDER, FSE, FEADER). L’administration centrale à Paris et au niveau des Préfectures de Région continuent le plus souvent à freiner la montée en puissance des Régions.
Dans un souci d’économies d’échelle et de baisse des coûts de fonctionnement, la réforme territoriale doit être aussi l’occasion de réduire le nombre des régions à travers de possibles fusions, mais aussi quand cela est nécessaire, de recomposer les territoires régionaux quand ceux-ci s’interrogent sur leurs limites administratives. En effet, le découpage des régions françaises est le résultat d’une vision datée et descendante à l’époque des «trente glorieuses» où l’aménagement du territoire était exclusivement pensé par l’Etat jacobin. Dans le Nord-Ouest par exemple, la logique a été de dessiner une région pour chaque grande ville (Rennes, Nantes, Caen, Rouen) afin que le territoire régional s’organise autour d’elle… Au 21ème siècle, cette vision est dépassée et un tel « découpage » est devenu pénalisant, alors que le monde fonctionne de façon multipolaire et par réseaux ! C’est le cas en particulier pour la Bretagne.
D’une part, la conception du leadership unique d’une grande ville sur son espace régional, reproduction régionale du centralisme à la française, est démentie par la réalité des relations économiques et des initiatives politiques. Les analyses de l’espace métropolitain « Loire Bretagne » qui réunit principalement Nantes, Rennes, Brest et Saint-Nazaire montrent que les relations entre la Loire-Atlantique et la Bretagne administrative sont prépondérantes et qu’à l’inverse, les relations de la Loire-Atlantique avec la Sarthe et la Mayenne restent limitées malgré l’appartenance de ces deux départements depuis plus de 40 ans à la Région administrative des Pays de la Loire. La coopération Nantes-Rennes montre également que les deux capitales régionales ont plus intérêt à réfléchir et travailler ensemble qu’à protéger, dans une logique de concurrence, leur leadership sur leur espace régional administratif. Des actions ont été engagées dans le sens du rapprochement depuis une dizaine d’années.
C’est pourquoi il faut s’autoriser la possibilité de faire évoluer les contours de certaines régions, pour les territoires qui le souhaitent.
B. La Bretagne réunie, un espace cohérent pour aménager le territoire
La Bretagne réunifiée est un espace équilibré et cohérent. En effet, les métropoles de Nantes et de Rennes figurent parmi les quatre villes les plus dynamiques dans les derniers classements nationaux (Journal des entreprises, l’Express). Elles forment avec la métropole de Brest, un triangle d’équilibre et de solidarité. Ce dynamisme ne se fait pas en asséchant les territoires régionaux mais en s’appuyant sur ses forces et ses diversités et en l’entraînant, comme le montre Nadine Cattan dans ses travaux pour la DATAR.
Dans une Bretagne réunifiée, Nantes est clairement gagnante. Elle est et restera la métropole naturelle du nord de la Vendée, du nord des Deux-Sèvres et de l’ouest du Maine-et-Loire, même si son territoire de projet regarde à l’évidence vers la Région Bretagne. L’étude de la DATAR sur le bipôle Nantes-Rennes met en évidence l’intensité de leurs relations mais également celles de Nantes avec Brest (alors qu’à contrario, les relations entre Rennes et Angers-Le Mans sont faibles). L’ouest breton, toujours menacé par l’enclavement, sera également le grand gagnant de l’intégration de la Loire-Atlantique dans le « collectif breton » car celle-ci dynamisera toute la Bretagne et donnera à terme des moyens renforcés pour une meilleure solidarité entre Ouest et Est breton, entre territoires urbains et ruraux.
Pour l’ensemble des territoires concernés, la Bretagne à cinq départements est certainement pour demain le territoire de projet le plus cohérent.
2 – Un espace vécu, une opportunité de rapprocher les citoyens de la politique
A. La réforme territoriale, l’occasion de rapprocher les citoyens de l’action publique
L’ouverture d’un nouveau grand débat national, sur la décentralisation et l’organisation du territoire français (après ceux de 2004 et de 2009-2010), doit être un moyen puissant d’implication et d’appropriation des choix publics et collectifs par les citoyens. Loin d’être un débat d’experts ou d’élus entre-eux, la proximité, les enjeux d’amélioration du quotidien et le renforcement du tissu économique et social, intéressent l’ensemble des français et donc… des bretons. La construction d’une démocratie dynamique, constructive et partagée est un chantier permanent. Les exemples d’expériences participatives ou implicatives (référendums locaux, consultations pour des projets…), ne manquent pas dans nos collectivités. La relation au territoire local (la commune, la région… mais aussi jusqu’à présent le département) constitue un lien fort et structurant pour les citoyens qui dans notre pays de tradition jacobine, est depuis trop longtemps sous-estimé (pour une vraie citoyenneté territoriale).
A l’autre extrémité au niveau européen, l’argent public se faisant rare, les politiques d’attribution des fonds européens fonctionnent de plus en plus dans le cadre de projets. Les règles de répartition égale au prorata de la population ou des seuils de richesse cèdent la place à une logique « d’appels à projets », largement diffusés par la Commission européenne et de plus en plus au niveau national (Initiatives d’excellence de recherche scientifique, projets de transports urbains, appels à projets de l’ADEME par exemple). Le développement de cette logique d’appel à projets favorise les Régions qui correspondent à de véritables territoires vécus où les acteurs-partenaires sont capables de s’unir naturellement et de façon très réactive pour monter et proposer leurs dossiers.
Les comparaisons européennes montrent que la réussite d’une région ne dépend ni de sa taille, ni de l’existence d’une grande métropole dominante sur son territoire, mais de sa capacité fédératrice. De petites régions, unies et «compactes» comme les länder de Brême et de Hambourg, ou des régions «bicéphales», comme l’Ecosse, fonctionnent bien.
L’exemple du Pays Basque ou des régions de l’Italie du Nord qui s’appuient sur leur identité, leur culture et leur spécificité pour constituer des clusters innovants, démontre l’efficacité de ces stratégies dans l’économie mondialisée.
Humaniser la construction de notre décentralisation, réfléchir en termes de projets avec une démocratie renforcée, c’est une source durable de sens et d’adhésion pour les citoyens. Allier capacité d’initiative et projection collective pour notre développement, c’est là une force que la Bretagne sait utiliser.
C’est pourquoi, la réforme territoriale à venir va devoir reformuler les conditions de consultation des citoyens sur des questions spécifiques locales, avec des règles beaucoup moins contraignantes qu’elles ne le sont actuellement (exemple malheureux du référendum d’avril 2013 pour la fusion du Conseil régional d’Alsace avec les Conseils Généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin où la majorité absolue des votants a voté OUI mais où les règles de participation dans chacun des deux départements concernés a transformé le OUI en NON !…). Dans cet esprit, par exemple, la possibilité d’organiser facilement un référendum local sur la réunification de la Bretagne doit être clairement envisagée dans les textes de loi. La reconnaissance de ce droit et sa reformulation dans un sens plus ouvert, seront la preuve de la volonté réelle du gouvernement de donner la parole et la décision à tous les citoyens qui le souhaiteront.
B. Une Bretagne réunifiée, espace vécu et territoire de projet
Pour lutter contre la crise de défiance des citoyens vis-à-vis des institutions et de la politique, rappelée brutalement lors des élections européennes, il faut valoriser la Bretagne en tant qu’espace collectif vécu, fort et structurant. Les politiques doivent favoriser et entretenir ce fort attachement territorial et contribuer à ce qu’il s’exprime à travers une mobilisation citoyenne active et une culture de l’innovation collective, économique, sociale et environnementale.
En Bretagne, l’identité est un élément fort et on ne doit pas en avoir peur. Multiple et complexe, elle s’enrichit de la diversité et de la spécificité du territoire, de ses traditions, des expériences vécues et des parcours personnels. La Bretagne est généreuse et accueillante à l’image de sa culture qui rassemble toutes les générations et tous les milieux sociaux, et de ses habitants qui ont toujours su avec talent s’adapter et s’ouvrir aux autres (l’exemple de l’agriculture et de l’agro-alimentaire ou de l’essor du tourisme dans les 60 dernières années). La tolérance fait la force de la région et s’inscrit dans une vision moderne qui laisse la complexité des parcours de chacun s’exprimer dans son rapport aux autres et au monde.
Sa culture et son histoire sont bien des éléments de dynamisme, non figés. Connue et reconnue, attractive, ouverte, la Bretagne s’écrit au futur.
Dans la mondialisation et en période de crise, une région Bretagne nouvelle, retrouvant l’ensemble de ses forces territoriales est un atout puissant. Une action territoriale participative s’appuyant sur un sentiment d’appartenance partagé et une communauté de destin reconnue construira et profitera d’une nouvelle ère des territoires à échelle humaine, libérés des approches technocratiques archaïques.
L’engagement de nombreux élus bretons pour la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires prouve leur attachement à la diversité culturelle constitutive de la France et de l’Europe, leur esprit d’ouverture et de tolérance pour la multitude des cultures du monde.
3 – Une région identifiée, une force pour l’économie du territoire et pour l’emploi
A. La réforme territoriale au service du redressement productif
Pour le redressement économique du pays, la création de nouveaux gisements d’emploi, notamment industriels, et la préservation de la cohésion sociale, les régions sont appelées à jouer de plus en plus un rôle central.
Dès à présent, les Régions accompagnent la mise en place des filières structurantes et des filières émergentes de l’économie dans la définition de leur stratégie et au travers de dispositifs sur-mesure. En Poitou-Charentes ou en Aquitaine mais aussi en Bretagne, les régions ont développé des formes innovantes de soutien. Ailleurs en Europe, les Régions sont des actrices de premier ordre de la stratégie de développement économique. L’Association des Régions de France plaide pour qu’elles deviennent les collectivités chefs de file de l’action économique. Il serait judicieux que la réforme territoriale officialise cette architecture. Si c’est le cas, cela devra s’accompagner de la mise à disposition de nouvelles ressources financières pour les régions car aujourd’hui, elles sont des nains économiques comparées aux régions allemandes, espagnoles ou italiennes.
Une fois acquises les ressources, encore faut-il que le territoire d’action soit pertinent pour structurer et accompagner efficacement les filières économiques et soutenir financièrement et techniquement la dynamique des PMI-PME (à l’image de ce que font les länder allemands dans le soutien financier des entreprises régionales). C’est là qu’à côté de possibles fusions, le débat doit aussi s’engager, sans tabou et sans crainte, sur la recomposition de certaines régions et le « transfert » de départements. A la différence des Pays de la Loire au territoire faiblement intégré, la Bretagne réunifiée dispose d’une forte cohérence de péninsule avec ses 5 départements dotés chacun d’une façade maritime. En fait, la Bretagne c’est un peu comme une main : pour bien fonctionner, elle a besoin de ses 5 doigts. Unie, elle pourra structurer plus efficacement ses filières spécifiques (naval-nautisme, agri-agro, énergies marines, bio technologies, éco-activités, défense, etc…).
A titre d’exemple, on ne répétera jamais assez que l’Agence européenne pour la sécurité maritime mise en place après la catastrophe de l’Erika (1999) aurait eu des chances très sérieuses de s’implanter à Nantes ou à Brest si la candidature avait été portée dans le cadre d’un dossier commun d’une région Bretagne réunie. Rappelons que depuis 2006, cette agence de 120 agents permanents est installée à Lisbonne.
Face au déclin de l’emploi industriel, il ne faut s’interdire aucune solution innovante. Une recomposition régionale dans l’ouest permettrait certainement de mieux développer le potentiel des filières de notre territoire.
B. La Bretagne réunie, un territoire porteur pour nos entreprises
Les caractéristiques de l’économie bretonne et sa capacité fédératrice sont des atouts pour le développement économique de notre territoire.
La forte cohésion de la Bretagne, y compris des Bretons de l’extérieur, doit favoriser la relocalisation de l’économie. L’exemple de « Produit en Bretagne », marque innovante et prospère, démontre que l’identité est un catalyseur de la croissance régionale. Cette dynamique, qui bénéficie en particulier à l’industrie agro-alimentaire, contribue en effet à maintenir l’emploi local dans les petites villes, dont l’économie est fragile tant en Bretagne administrative qu’à Clisson, Châteaubriant ou Ancenis.
Hypermarchés membres de Produit en Bretagne (2011)
Certaines filières qui souffrent en Bretagne administrative et en Loire Atlantique, comme la pêche, les chantiers navals et la sous-traitance automobile, gagneraient à être accompagnés par une Région Bretagne unie. D’autres secteurs, gisements des emplois de demain, demandent également à être encouragés de manière plus ciblée : l’économie de la mer, les énergies marines renouvelables, l’agriculture et l’agro-alimentaire durables, le tourisme, la valorisation du patrimoine régional. Quant à l’enseignement supérieur et la recherche, l’état des lieux issus des appels à projets du « Grand Emprunt Université » ont mis particulièrement en évidence le potentiel du trio Brest-Rennes-Nantes et de leurs partenaires locaux.
Le pôle métropolitain Loire Bretagne est une excellente amorce du travail qui pourrait être efficacement mené à l’échelle de cette Bretagne de projets. En effet, 4 des 5 villes membres de ce pôle sont en Bretagne historique et la majorité des sujets les concernent spécifiquement (mer, agro-alimentaire, physique des matériaux et Sciences des Technologies d’Information et de Communication-STIC- plus particulièrement pour Nantes-Rennes). Il est évident que la réunification de la Bretagne n’empêchera en rien la mise en place de politique de coopération interrégionale nouvelle et que dans ce cadre il sera évidemment possible de continuer à travailler avec Angers (notamment sur la thématique Bio-santé), Cholet, Laval… et les autres villes de la nouvelle région « Centre-Val de Loire ».
Pour tirer parti de la mondialisation, les territoires français cherchent aujourd’hui à se doter de « marques de territoire ». Des études internationales récentes sur les 500 villes du monde les plus référencées et attractives ont en effet montré que parmi les métropoles françaises, moins d’une dizaine avait la dimension mondiale : évidemment Paris (seule « ville monde » au niveau européen, avec Londres), Lyon (pour sa tradition de carrefour du commerce), Marseille (porte de la Méditerranée), Strasbourg (vocation européenne et transfrontalière), Toulouse (aéronautique), Bordeaux (vin et aéronautique), Lille (transfrontalier, tunnel sous la Manche).
Nantes et Rennes n’apparaissent pas dans ce classement. Par contre, connue et faisant rêver dans beaucoup de pays d’Europe et d’ailleurs, bénéficiant d’un vaste réseau d’expatriés (la diaspora bretonne), évocatrice des valeurs de solidarité et de collectif, la Bretagne est une marque naturelle, comme le sont, chacune dans leur registre, le Val de Loire, la Normandie ou Poitou-Charentes. En terme de visibilité et d’attractivité, la Bretagne est un atout déterminant et solide pour nos décideurs métropolitains nantais, rennais ou brestois et pour nos entreprises. Cela doit les amener à jouer sans complexe et sans états d’âme, la carte collective «Bretagne». La Bretagne est à l’évidence de plus en plus un territoire de projets et d’avenir.
La nouvelle réforme territoriale qui vient d’être lancée va certainement proposer une nouvelle répartition des compétences entre Conseils régionaux, Conseils généraux dont on programme la disparition prochaine (avec en plus, dans notre région, la question spécifique et anticipatrice de la possible “Assemblée de Bretagne”) les Métropoles et les Intercommunalités (EPCI). De nouvelles ressources fiscales et des dispositifs de dotations et de péréquation devraient également être envisagés.
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