Réunifier la Bretagne ?
Skol Vreizh/ Géographes de Bretagne
Depuis le vote de décembre 2014 entérinant le découpage des nouvelles régions, la question de la réunification de la Bretagne semble close. Politiquement peut-être ? Et pourtant, celle-ci reste entière. Le débat avorté, conduisant à ce nouveau découpage, nie les principes mêmes de la Démocratie et laisse un goût amer aux partisans d’une réelle réflexion sur cette notion si fondamentale d’ « habiter un territoire ».
Car la question reste toujours d’actualité en dépit du vote de cette loi bâclée. Les découpages retenus n’ont pour la plupart aucun sens, niant les héritages et les projets à venir. Ils ne répondent qu’à la crispation d’un jacobinisme obsolète, croyant ainsi affronter les enjeux de la mondialisation. Pire, ils condamnent définitivement nombre de régions. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la Bretagne, véritable pierre d’achoppement de toute la réflexion sur le grand Ouest de la France. Car la Bretagne unifiée fait peur ; le spectre d’un hypothétique réveil identitaire sous-jacent. Fantasmes ! Cette région ne demande qu’à vivre simplement, donner du travail à ses enfants, exprimer ses choix en matière de modèle de développement. Et ce n’est pas dans la situation de sujétion politique et fiscale à l’égard d’un pouvoir centralisé et de dépendance économique comme celles qui actuellement s’imposent à elle, qu’elle le peut.
L’ouvrage analysant les fondamentaux qui organisent le territoire de la Bretagne dans son contexte national et européen, souligne l’ineptie que constitue ce refus de la réunification. Mais, œuvre de géographes impliqués et actifs dans la vie régionale, il cherche à démontrer que cette réunification réclamée n’est en rien une lecture passéiste et un repli identitaire. Bien au contraire, il en souligne sa nécessité, seule cadre apte à porter un projet cohérent et original de société. S’appuyant sur ses héritages (structuration particulière de l’organisation de l’espace) et les potentialités de ce milieu particulier qui est le sien (la mer), elle peut répondre aux impératifs inéluctables d’un réel développement soutenable tout en l’ouvrant sur le monde. Cette revendication d’une autonomie en matière de projet et de décision ne constitue en rien un risque pour l’Etat français, si elle s’opère dans le cadre rénové des institutions de la République…ce qu’a totalement raté cet acte III de la décentralisation. Bien au contraire, ce serait pour lui une chance que de laisser s’exprimer de tels dynamismes régionaux.
En écrivant cet ouvrage, le but de ce collectif d’auteurs est bien de démontrer le côté impérieux de tels choix, dans les principes d’une « géographie active » dont la Bretagne a déjà constitué, il y a 50 ans, un superbe champ d’application.
Yves LEBAHY